En 2018, Avenir Suisse publiait son «Registre des privilèges de l’agriculture suisse» pour accompagner sa publication «Une politique agricole d’avenir». Les tableaux recensaient, pour la première fois en Suisse, les coûts économiques liés à la politique agricole. Ce registre est désormais mis à jour. Les coûts de l’agriculture restent élevés dans cette deuxième édition du registre des privilèges et sont disproportionnés par rapport à la puissance économique du secteur. Les comparaisons avec d’autres domaines permettent de mettre les chiffres de l’agriculture en perspective à la fois sur le plan économique et politique. Enfin, des recommandations pour une politique agricole d’avenir sont formulées.

Coûts économiques de la politique agricole

Cette deuxième édition du registre des privilèges confirme les coûts élevés de la politique agricole suisse pour l’économie : 20,7 milliards de francs (2018), soit une augmentation de 4% par rapport à la première édition (2016). En termes purement arithmétiques, ces coûts s’élèvent aujourd’hui à près de :

  • 200 000 francs par employé (équivalent plein temps) dans l’agriculture par an
  • 400 000 francs par exploitation et par an
  • 2 millions de francs par kilomètre carré de terres agricoles par an
  • 44,7 millions de francs par jour et 1,9 million de francs par heure

Les coûts économiques de l’agriculture peuvent être répartis entre quatre catégories (voir figure). La charge principale de la politique agricole repose sur les contribuables et les consommateurs, qui supportent ensemble 8,5 milliards de francs par an des coûts totaux. La promotion du vin n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la manière dont cet argent circule concrètement (voir encadré). Vous trouverez un aperçu de tous les postes de coûts dans le registre des privilèges.

Les coûts encourus par ménage (en tant que consommateur et contribuable) en Suisse s’élèvent à 1011 francs pour la consommation (dont 826 francs par an pour les aliments rendus plus chers par la protection du marché face aux importations) et 1258 francs pour les impôts. En 2018, l’agriculture coûtait 2269 francs par ménage, ce qui correspond à environ 3% du revenu moyen gagné par an et par ménage.

La promotion du vin est arrivée jusqu’au Conseil fédéral : l’«effet Parmelin»

Depuis l’élection du vigneron Guy Parmelin au Conseil fédéral en 2015, les fonds versés aux viticulteurs ont considérablement augmenté. La promotion des ventes a augmenté de 13% pour atteindre 3,2 millions de francs, tandis que le soutien à la viticulture a augmenté de 23% et s’élève actuellement à 1 million de francs par an. Grâce à cette évolution, les viticulteurs ont bénéficié en 2018 de deniers publics supplémentaires de plus d’un demi-million de francs suisses par rapport à 2015 (+16%).
Une nouvelle mesure adoptée à la fin de l’année 2019 aura également une influence : pendant treize mois, les vins suisses seront promus par les grands distributeurs et les restaurants avec l’argent des contribuables – en plus de la promotion des ventes déjà mentionnée. Le contexte est le suivant : la consommation de vin suisse a légèrement augmenté, sans pouvoir absorber une récolte 2018 particulièrement fructueuse. Le résultat : des entrepôts pleins à craquer et des plaintes bruyantes des viticulteurs. Une table ronde réunissant des représentants de l’Association suisse de la vigne et du vin, de l’Union suisse des paysans et des grossistes a permis d’obtenir «l’adhésion de tous les acteurs au principe d’un soutien au renforcement de la promotion des ventes». Le chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) s’est montrée ouvert à cette idée.
Le vin suisse est également promu au Parlement : pour la seule année 2019, trois interventions parlementaires ont été déposées dans le but de soutenir la production viticole nationale. Il s’agit notamment de l’introduction d’une nouvelle obligation pour les restaurants suisses de proposer au moins 50% de leur vin à partir de vins suisses, ce qui constituerait une violation flagrante de la liberté économique garantie par la Constitution. A l’avenir, on peut s’attendre à une augmentation des subventions de l’Etat et à des réglementations en faveur des cépages domestiques, et l’effet «Parmelin» observé depuis 2015 devrait se poursuivre encore longtemps.

Comparaisons avec d’autres domaines

Si l’on considère seulement le sous-ensemble des dépenses effectives de la Confédération et des cantons au lieu des coûts économiques totaux de l’agriculture, le résultat est de 4,2 milliards de francs. Cela correspond à une dépense horaire de l’argent du contribuable de près d’un demi-million de francs suisses. En comparaison, le budget global de l’ETH Zurich s’élève à 150 000 francs de l’heure – l’agriculture suisse coûte donc trois fois plus cher que l’une des meilleures universités du monde.

Les 4,2 milliards de francs suisses dépensés par le contribuable pour la politique agricole seront comparés aux autres dépenses du gouvernement dans ce qui suit pour une meilleure classification. Par exemple, est-il logique de dépenser trois fois plus pour un employé à plein temps dans l’agriculture que pour un élève de l’école obligatoire ? Ne faudrait-il pas rééquilibrer le système des retraites au lieu de consacrer près d’un quart de plus d’argent par an et par employé dans l’agriculture que ce qu’un retraité moyen peut obtenir après des années de cotisation ?

Les comparaisons visent à inciter les gens à réfléchir, même si certaines mises en relations sont délibérément osées. En outre, il convient de noter que les 4,2 milliards de francs ne vont pas uniquement aux agriculteurs, mais que l’ensemble de la chaîne de valeur agricole bénéficie de différents types de soutien.

Propositions de réforme de la politique agricole

La politique agricole suisse actuelle entraîne des coûts économiques élevés et une valeur ajoutée nette négative dans le secteur. Une réforme globale est donc essentielle. Les mesures suivantes, entre autres, devraient être prises :

Ouverture des frontières aux produits agricoles. Cette mesure de réforme se traduirait par une baisse des prix des denrées alimentaires en Suisse, une réduction des coûts des contrôles aux frontières et une augmentation des chances de conclure de nouveaux accords de libre-échange.

Définition de la sécurité d’approvisionnement. Le terme sécurité d’approvisionnement est souvent assimilé au degré d’autosuffisance. L’important pour la sécurité d’approvisionnement n’est toutefois pas la production la plus élevée possible au quotidien, mais un degré élevé de flexibilité en cas de crise.

Prestations d’intérêt général (PIG). Les paiements directs sont destinés à compenser les PIG fournies par l’agriculture. Cependant, la valeur des PIG est estimée beaucoup plus faible que les paiements directs actuels, car tous les services compensés ne sont en aucun cas des «services publics». A l’avenir, la fourniture de PIG doit devenir un service public agricole et faire l’objet d’un appel d’offres.

Réduire la densité de la réglementation et renforcer le sens de l’entrepreneuriat. La forme actuelle de la politique agricole se traduit par un niveau d’activité de construction réglementé, et la liberté d’entreprendre est limitée. L’objectif doit être d’avoir des entrepreneurs agricoles qui, par la différenciation et l’innovation, créent des opportunités d’affaires fructueuses.

Réduction des coûts environnementaux. Les coûts environnementaux de l’agriculture devraient être réduits par des changements structurels, une agriculture davantage axée sur les conditions locales, des accords sectoriels, des innovations techniques et des taxes incitatives sur les matières auxiliaires nuisibles à l’environnement.

Vous trouverez plus d’informations dans l’analyse «Weiterhin wachsende Kosten der Landwirtschaft», dont cet article est une version résumée.